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les peuples d’ouvriers qui font paître les grands troupeaux des mastodontes, les hauts-fourneaux et les usines et les barrages cyclopéens. Une exaltation sévère et brûlante menait ces équipes au combat, crispait leurs muscles et leurs fronts, elle instituait entre elles des jeux de rivalités héroïques, à qui vaincraient, les premiers, la tâche énorme et assureraient les fondations indestructibles sur lesquelles s’élèverait — s’élevait, de jour en jour, — la suprématie du Travail humain, libre, égal et souverain. Nui sacrifice n’est disproportionné à un tel but. Nul mal présent, nul mal de soi, nul mal des siens, n’est trop payer le bien futur, qu’on rêve, qu’on veut, et qu’on bâtit pour tous les hommes dans l’avenir. Ceux qui se lamentent, en Occident, ou qui s’indignent de la destruction par l’U. R. S. S. des dieux, des églises et de la religion, ils feront mieux, ces morts, d’enterrer leurs morts ! Rien ne sortira plus de ces sépulcres blanchis. Ils ne voient pas, de leurs orbites vides, ils ne peuvent pas voir qu’à l’Orient, une fois de plus, un Dieu est né ! Cette jeunesse prolétarienne, marxiste, matérialiste, athée, qui se sacrifie avec une sérieuse allégresse, au bonheur et au bien social qui sera, quand elle ne sera plus, a plus de religion dans son marteau et sa faucille que, dans toutes leurs patenôtres cléricales ou laïques, les faux dévots du menteur Occident. Hors de l’action, rien n’est que mensonge. Seule, l’action ne ment pas. Qu’à l’action, l’on juge ceux de là-bas et ceux d’ici !

Dans son injustice passionnée, ainsi Assia dressait le bilan de la vie de son Marc : — Néant. Elle savait bien que son inaction était forcée, qu’il en souffrait comme un insecte, cloué en pleine vie par une épingle sur une planche. Mais elle était sans pitié, quand elle voyait que d’autres insectes s’étaient arrachés tout sanglants de l’épingle ! Qu’il fît de même ! Elle bai-