sommes beaucoup, en Occident, qui ne nous soucions pas de la survie. Mais aucun de nous — des vrais vivants — n’abdiquerait, en échange des éternités, un jour, une heure d’activité.
Dans le même temps que Bruno se berce du grondement océanique de l’Infini sans formes et sans rivages, il est tenacement occupé à déchiffrer, à conquérir, pouce par pouce, un peu plus du champ de l’homme, du fini. Il livre là-bas (il ne le dit pas), dans les déserts, un combat contre les sables, contre la soif, contre la faim, contre le soleil, contre le froid, contre les hommes et la nature, et contre son corps, sa vieille monture qui bronche et demande grâce… « Marche toujours !… » Et (ce qu’encore moins il raconte), il est mêlé clandestinement aux mouvements sociaux qui travaillent ces peuples d’Asie ; son activité archéologique lui est, quoique réelle, un paravent ; il est en relations avec les associations paysannes et ouvrières de l’Inde, dont les chefs sont emprisonnés à Meerut ; il a périlleusement forcé le blocus qui pèse sur la province de Peshavar en état de siège, et servi, plus d’une fois, d’intermédiaire entre les membres dispersés du Congrès national Indien ; il s’est fait le missionnaire du Satyagraha Gandhiste, que les oppresseurs britanniques croient étouffer dans la geôle de Poona, et il propage, au dehors de l’Inde, le message de l’homme qui seul encore maintient l’écluse contre la masse des eaux grondantes de la violence, prêtes à crouler. Non-violence ou violence, par les deux voies, sur ses deux pieds, d’un pas égal, marche et s’approche la Révolution. Ce sont les deux rameaux du même arbre… « Uno avulso, non déficit alter… » Bruno est un des pionniers de l’armée. Bien que son esprit ait devancé le but de son action, quand celle-ci le prend, il ne s’y donne jamais à moitié.