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— « Merci, merci du compliment !… Alors, toutes voiles dehors !… En tout cas, je ne sens pas, comme ces pauvres types de Paris, comme ces suiveurs, le renfermé, le rat mort !… »

Le rat d’Italie était bien vivant ! George elle-même ne pouvait pas en disconvenir. Elle lui consentait sa sympathie. Elle accordait qu’il était joli garçon et pas trop bête, quand il ne parlait pas d’amour. Bon compagnon, agile, adroit, et débrouillard, il ne vous assommait pas d’intellectualité, il était fin du regard, les doigts habiles à dessiner, modeler, tailler le bois, et bien d’aplomb sur le terrain commun des sports. S’il ne s’était agi que de faire assaut à quelque match, ou d’une partie de footing et de camping ensemble, elle l’eût accepté avec plaisir. Ajoutons qu’il savait manger — ce que George savait très bien aussi ; — et même, il avait des recettes de cuisine. C’était parfait ; et George l’admettait volontiers partout, à table, à l’atelier ou au fourneau, en marche, en course, ou au repos, — tout, sauf au lit, comme elle le lui disait, quand il commençait à lui faire la cour. Il était peiné, scandalisé qu’elle lui coupât ses effusions lyriques par ce rappel cru aux réalités ; il protestait que son amour était pur comme le feu, et qu’il était désintéressé. George riait plus fort, et elle disait qu’elle ne le croyait pas si serin ! Mais s’il en était un, et s’il lui fallait, à toute force, chanter pour chanter, qu’il voulût bien varier ses sujets ou l’objet de ses chants ! C’était rasant, de s’entendre jouer la Dulcinée. Puisqu’il était désintéressé, qu’importait l’objet ? Qu’il aille donc chanter dans la rue !… Silvio boudait, froissé. Mais le lendemain, il recommençait.

Vania s’amusait avec George de ses grands mots et de ses yeux blancs aux noires prunelles : il les singeait. Annette grondait les deux gamins, et elle plaignait le