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Parfois, elle plante là son compagnon de jeux ; et tandis que Vania la cherche, au jardin, elle rentre s’asseoir sans bruit, dans la chambre où Annette lit. Perchée des fesses sur une chaise, à quelques pas, raide et muette, elle observe. Si Annette lui parle, elle ne répond que par monosyllabes. Annette comprend : elle a connu ces silences butés, ces soliloques muets à deux, et ce regard de petit Olivier Twist chez les voleurs, qui se glisse entre les barreaux, pour lui cambrioler le cœur. Elle laisse faire, elle sourit : et ce sourire avertit la pie voleuse qu’elle est prise. La pie se replie, les plumes effarouchées, le bec en garde, l’œil mauvais. Alors, Annette rit tout à fait, et elle va l’embrasser. C’est un petit bloc de glace qu’elle tient. Mais la glace fond ; et lorsque Annette lui souffle à l’oreille :

— « Petite fourbe, je te vois… Je te tiens et tu me tiens par la barbette… Qui des deux aura la tapette ? »

Annette sent sous ses doigts le petit corps raide qui s’abandonne, et elle entend un rire étouffé. Elle lui mordille le bout de l’oreille, et elle lui dit :

— « On est amies ? »

Marcelle se jette à son cou et, sans la regarder, dans le petit coin sous l’oreille, elle souffle à coups précipités :

— « Oui oui oui oui… »

Elle ne joue pas, elle scelle un pacte. Qu’est-ce qui se passe dans cette tête ? Cette dure petite, qui se sent, dans sa maison, Dieu sait pourquoi ? une étrangère, elle s’agrippe, comme l’hirondelle aux vieilles solives de la maison de l’an passé qu’elle reconnaît, au cou d’Annette ; et dans le vieux cœur elle retrouve son nid

— celui du père. C’est son odeur…

Annette, la nuit, rêve éveillée : elle se voit l’aïeule d’une triple famille — une quadruple, en comptant George ; — et elle abrite, dans le chaud de ses plumes,