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de la fillette. Mais dans celles de Vania, son sang, à elle.

Pas une fois, Bernadette ne livre son secret, ni Annette ne le lui demande. Elles continuent de se parler, comme en visite. Annette n’entr’ouvre point la porte d’intimité : elle tient cette femme à distance. Et Bernadette ne fait pas effort pour entrer.

Mais pourquoi donc est-elle venue ? Quels mobiles l’ont poussée ? Dans une nature aussi compliquée, il n’est pas facile de dire ce qui domine, du mal ou du bien. Ils sont mêlés, mais de sa main experte de femme de Paris, qui sait toujours ordonner le désordre, à son profit. — Dans sa vie de mariage et d’affaires, elle tient ses comptes exactement. Le mariage aussi est une affaire ; et l’affaire n’a été mauvaise pour aucun des deux participants. Maison bien tenue, revenus croissants, et des dépenses modérées, de grosses commandes d’industries — (l’usine fabrique des moteurs pour automobiles et pour avions), — quatre enfants sains, et le ruban à la boutonnière. Pour décrocher le chiffon et en fleurir le mari, la femme n’a pas été inutile ; et quant aux enfants, il ne peut pas se plaindre : il y en a au moins un de plus que son dû. Soyons juste : depuis que, la nuit de Marc, elle est rentrée dans son lit, la rivière ne paraît plus avoir eu envie d’en sortir. Elle a ce qu’il lui faut, au logis. Peu de distractions : ni son mari ni elle ne s’en soucient ; ce qui les occupe et les remplit, c’est de voir le chiffre des affaires s’arrondir, non pour thésauriser ou pour en jouir, mais pour qu’aujourd’hui dépasse hier, et que demain dépasse aujourd’hui : c’est le plaisir, comme dans les courses en auto : la passion de l’accelerando

Mais il y a les pannes, en rase campagne. On ne s’en vante pas ! Dans une des siennes, Bernadette, occupée à réparer son moteur, dans la poussière grasse, sous