— « C’est vrai. »
Mais Annette, d’une voix tranquille, qui tremble un peu, attire vers ses genoux la petite Marcelle — (car l’effrontée l’a signée) ; — elle lui caresse, tout en causant, la chevelure ; et lui tirant la nuque en arrière, elle plonge son regard avide dans ce miroir du fils passé. Elle est sur le point de l’étreindre. Mais, se contraignant, elle écarte rudement la fillette, et dit à la mère :
— « Emmenez-la ! »
Et elle se lève, prétextant la fatigue. Bernadette prend congé. Elle sait bien que Annette la rappellera.
Dès le lendemain, Annette lui écrit. Mais elle attend trois semaines avant d’envoyer la lettre. Et la lettre, qui a été refaite plusieurs fois, n’est plus qu’une invitation de politesse à lui ramener, quelque beau jour d’été, l’enfant.
Vania et Marcelle font connaissance. Ils se parlent peu. Vania, en présence de la fillette, perd sa loquace assurance. Ils ne cessent pas de s’observer, l’un devant l’autre, ou de côté. Vite, elle se rend compte qu’elle l’intéresse. Il s’en irrite quelquefois et la rudoie. Mais ce n’est pas pour la troubler. Le plus rude des deux n’est pas celui qui en fait montre. Elle attend, avec une froideur voulue, l’amende honorable qui viendra, sous forme de petits cadeaux et d’attentions, quelquefois charmantes, quelquefois saugrenues, qu’elle reçoit, comme s’ils lui étaient dus. Au reste, elle ne laisse voir ni coquetterie, ni vanité ; et son parler n’a rien d’affecté, comme celui de sa mère en société ; elle parle peu et net et cru : il y a en elle une âpreté. Ce goût de groseille verte irrite les dents de Vania et les attire. C’est un élément qui faisait défaut à son alimentation. — Annette, qui les observe et les compare, s’étonne que le sang de Marc coule davantage dans les veines bleues