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Anglo-Saxons, que les Latins, à tort, jugent à base de froideur — (ils n’y voient point la chaleur de la confiance, une fois pour toutes accordée), — il n’essaie jamais de revenir sur le pacte, il se refuse à contrôler la vie cachée de sa compagne. Elle, donne raison à cette confiance ; elle emploie ses fuites, ses éclipses, à se reconcentrer, à se reprendre, — soit dans des plongées d’oubli en un lieu solitaire, comme dans une cure de sanatorium, — soit en usant ses vieux démons dans des fatigues musculaires, des randonnées par les montagnes et les forêts. Que çà et là, à l’improviste, et par le hasard d’une rencontre, le diable y trouve son compte, comme la malveillance le prétend, je ne le sais pas ; dans tous les cas, elle ne le veut pas, elle en évite la tentation. Mais si cela était, elle n’en traînerait pas, après, le remords ou le regret : cela compte si peu, auprès des grands, des seuls sentiments sacrés !… Elle en efface le souvenir. Elle revient à ses amis et à son mari, comme un cahier neuf ; la feuille d’avant est arrachée ; elle reprend le livre de comptes, au point exact où elle l’a laissé, plus attachée que jamais à la maison — (c’est tout le groupe) — et à la cause commune qui les lie. Que l’opinion les diffame, elle et eux ne daignent s’en soucier.

Ils sont de tous les grands mouvements de protestation contre les iniquités de la loi et du pouvoir américains. Ils se sont dépensés furieusement pour sauver Sacco et Vanzetti et pour arracher Tom Mooney de sa prison. D’un bout à l’autre des États-Unis, ils sont de veille, et ils dénoncent à l’opinion du monde les abus de pouvoir et les crimes. Ils ont affaire à de féroces inimitiés, aux matraqueurs, aux étripeurs patentés et masqués du banditisme capitaliste et du bestial obscurantisme 100 %. Plusieurs d’entre ces généreux jeunes gens ont été assaillis sauvagement, bâtonnés,