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Elle n’était pas seule. Côte à côte, dans la toile même qu’elle tissait, l’enfant Vania tissait son rêve. Sain, tout du long, sans une tare, joyeux, actif, équilibré, il avait, malgré sa vie du jour pleine comme un œuf, ses champs, ses bois et ses vallons de rêve intérieur. Et ses citernes, dont on ne connaîtra jamais le fond. Il y piquait une tête, brusquement, sans que nul remarquât le plongeon. Ce n’était pas George qui, en dépit de ses prix de natation, aurait pu le repêcher. À peine s’était-elle aperçue de son absence. Elle lui parlait. Il était loin… Quand il revenait, elle ne s’apercevait pas plus qu’il rentrait, qu’elle ne s’était aperçue qu’il était sorti. Et lui, il la retrouvait, toujours parlant, au milieu d’une phrase ou bien d’une autre : ça n’avait pas d’importance ! il s’y retrouvait, riant et distrait : elle était sa boîte à musique…

À quels instants se produisaient ces fuites ? La principale était dans la nuit. Le jour, il avait tant couru, des jambes et de l’esprit, qu’il tombait de sommeil, en se déshabillant ; on le dépiautait de sa culotte, comme un lapin ; il dormait déjà, les mains crochées aux boutonnières, croulé en travers de son lit. On l’allongeait, on lui entrait dans le sac aux draps ses pattes