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ajoutent, chaude et vibrante, au tableau préexistant dans son esprit. Et sous ses doigts, qui obéissent, l’œuvre préconçue naît et s’étend, de maille en maille, à tout instant. Tout ce qui est, en fait partie. Les tragédies et les tempêtes de l’histoire en sont les rouges, les noirs et les ors.

Mais quelle était là dedans sa part, son œuvre personnelle ? N’était-elle rien de plus qu’un instrument ? Elle n’était pas arrivée à ce degré de détachement. Tant que l’on vit et qu’on est femme, on a besoin de couver et d’enfanter, corps ou esprit : sentir couler dans une autre bouche son lait, et dans d’autres veines son sang, transmettre sa vie, rayonner le rêve de son action…

Brûle seulement ! Pas un feu n’est perdu, dans la nuit… Elle contemplait, en ce moment, par sa fenêtre largement ouverte sur la nuit d’été, Cassiopée. Et elle redisait religieusement la parole de l’antique Égypte :

— « Fais que je devienne semblable aux constellations ! »

Mais son vœu était plus humble. Les constellations, c’est trop loin, c’est trop haut ! Il lui suffisait d’être enclavée dans la plus modeste constellation d’ici-bas.

Elle ne se doutait pas qu’elle était elle-même une constellation.