lée toute sa vie. Après un long silence, Annette dit (elle rêvait) :
— « N’as-tu pas l’impression quelquefois que, parmi ceux qu’on voudrait retrouver, il y en a d’autres encore que ceux qu’on a rencontrés dans cette vie ? »
Cette question inattendue saisit Sylvie. Elle dit :
— « Comment as-tu fait pour penser cela ? Avant que tu me l’aies dit, il me semble que je n’y avais jamais pensé. Mais depuis que tu l’as dit, il me semble que j’y pensais. Mais qu’est-ce ? Que crois-tu ? »
Annette se passa ! a main au-dessus des sourcils.
— « Je ne me souviens plus. »
— « Que c’est étrange ! Qui sait ? On a vécu plus d’une vie. »
Sylvie rêva, et reprit, implorante :
— « Ma petite, ma grande, on se retrouvera dans la prochaine ? »
— « Tu tiens beaucoup à la prochaine ? »
— « Je tiens à nous retrouver… »
Elle ajouta, très lasse :
— « Mais après un bon somme. Car on a bien trimé ! … »
Elle était, elle, l’infatigable, non pas découragée, mais lasse et abandonnée à la nature dévastatrice, comme une plante, aux derniers jours ensoleillés, dans la brume de l’arrière-saison. Elle dit à Annette, songeant à Marc, après qu’elles venaient de parler de la tempête suspendue sur l’Europe, et des dangers du lendemain :
— « C’est mieux que nous ne laissions personne après nous… »
Annette ne le pensait point ; mais elle jugea inutile d’exprimer sa pensée ; elle posa tendrement sa main sur la tête de sa sœur :