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— (de l’intelligence, peu, quoi qu’elle en eût à revendre, mais jamais abstraite, toujours précise, pratique, et « appliquée » ) — toute une vie se révélait. Elle n’était point nouvelle. Elle avait été amassée par les jours. Mais c’était commue si, jusqu’à ce jour, elle eût été enfouie dans ses tiroirs ou dans ses cartons au fond de l’armoire. Sylvie avait ouvert l’armoire. Et maintenant, elle passait des jours, des jours, à les ranger… À les ranger ?… Les déranger !… Elle se surprenait assoupie avec ses rêves sur les genoux, et tout autour sur le plancher, des rêves, des rêves… Elle prenait l’un, le laissait tomber, elle prenait l’autre, elle reprenait le premier, sans bien se souvenir qu’elle l’avait déjà pris et laissé… Quand elle s’en apercevait, elle s’objurguait en gaies injures…

— « Petite vache, au pré, qui rumine ce qu’elle a dix fois déjà remâché… »

Cela ne servait pas à grand’chose ; elle retombait, l’instant d’après, dans sa torpeur de digestion et d’ivresse… C’était un état très heureux.

C’était un état dangereux. La tête se congestionnait. Le sang lui montait aux joues, au front, et aux yeux. Elle s’en apercevait, à des douleurs dans le crâne. Son doigt palpait à son cou de petites boules qui battaient, dans l’artère. Elle savait bien que son immobilité, toute la journée, près d’un poêle surchauffé, avec cet autre poêle dans le cerveau, n’était point bonne pour une qui, comme elle, avait mené toujours une vie active. Mais…

— « Je m’en bats l’œil !… »

Il arriverait ce qui arriverait ! Elle ferait selon son bon plaisir, ainsi qu’elle avait toujours fait. Ceux qui venaient — George ou Annette — la semonçaient. C’était comme s’il pleuvait ! Nul n’avait pu jamais exercer sur elle une influence.