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Son train de vie était maintenant aussi réduit que possible. Elle se passait de domestique. Et ses dépenses étaient comprimées. À part quelques infractions à la plus stricte loi d’économie, pour satisfaire de loin en loin un accès de gourmandise (on n’abdique jamais tout à fait son fin bec de Française), ou l’autre friandise du linge fin sur la peau (ce fut la dernière volupté à laquelle Sylvie renonça), elle vivait comme une nonnette. On pouvait dire qu’elle s’était fait de nécessité vertu. Car le peu de capital qui lui restait, après s’être dépouillée, pour ses enfants adoptifs et pour ses œuvres, du meilleur de ses revenus, suffisait exactement à lui assurer une indépendance d’anachorète. Mais c’était tout ce qu’il lui fallait maintenant. Et, par un travail intérieur inaperçu, la libre fille, qui s’était gorgée sans retenue de tous les fruits de son verger de désirs, trouvait sa jouissance aujourd’hui dans sa pauvreté commandée. « Vertu » lui était devenue « nécessité ». C’était comme le plaisir de la nudité. Il y avait encore, au fond de ce dépouillement, une sensualité. Rien pouvait-il, chez Sylvie, ne pas être sensuel ? Jusqu’au renoncement absolu ! (En cela, différait-elle de bien des ascètes ?)

Mais elle évitait d’introduire un spectateur dans son