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lui en étaient, on l’a vu, extrêmement réduits. Il ne pouvait rien agir, même par la plume, rien publier, que de loin en loin quelques paroles sans écho. Il était muré dans sa geôle d’individualisme. Il n’avait de jour que par l’en haut, par le ciel vide. Sa mère seule pouvait s’en accommoder. — (S’en accommodait-elle ? Elle ne disait point aux autres ce qui lui manquait, et que ce ciel ne lui suffisait pas…) Mais tout de même, elle y respirait, elle s’y était fait un au-delà.

Marc ne l’a point. Cet au-delà est, aussi bien que le royaume de l’Infini, le royaume de la mort. Marc a besoin de fenêtres sur le monde des vivants. Et par la fenêtre, de sauter dedans… Saute donc ! Ne vois-tu pas sous la paupière, l’œil de Assia, qui guette tes mouvements ? Si tu enjambes la fenêtre, elle aura bondi en bas, avant toi… Oui, il a vu. Il voit que c’est cela qu’elle veut de lui, qu’elle attend…

Mais il ne peut pas s’y décider. Il y a, en bas, cette violence, cette tyrannie de la violence, qu’il hait. Il la hait d’autant plus qu’elle est dans son sang… son sang fiévreux, qui ne serait que trop porté à tyranniser. Puisque, Dieu merci ! il ne le peut pas — (il tremble parfois, à la pensée des abus qu’il en aurait faits) — il ne le tolère pas des autres. Toute sa violence, il la concentre à ne pas céder un pouce de ce qui lui appartient : son être. Ah ! si la Révolution était — comme autrefois, où elle avortait en feux d’artifice — un libre jaillissement de révoltes, où l’on met tous dans le tas commun, chacun la sienne ! Mais ils l’ont aujourd’hui militarisée. C’est une caserne. La discipline s’étend à tout, aux actes, aux écrits, aux pensées. Jusqu’à la philosophie et à la science que les nouveaux prêtres de la faucille et du marteau ont la prétention de régenter ! N’ont-ils pas fulminé l’anathème contre les libres hypothèses de la physique et de l’énergétique moderne,