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— « Plus, en tout cas, que pour ce que d’autres ne font pas. »

Marc est atteint au cœur. Rien à répondre. Il ne le sait que trop : il ne fait rien, il ne peut rien faire. Sa santé ne s’est jamais bien remise du terrible assaut d’avant le mariage ; et le mariage prématuré, la folle dépense qu’il y a faite d’énergies convalescentes, n’ont pas été de nature à la rétablir. Il y a dû, après sursis, d’être dispensé de son service militaire ; et ce lui a épargné l’épreuve du refus, auquel il était décidé, et de la condamnation. Mais c’eût été plus sain pour lui, peut-être, de l’affronter, car le sentiment de sa résistance l’eût assuré contre soi-même. Il l’eût voulu, même sans objet, puisque rien ne l’obligeait plus à se prononcer ; il l’eût voulu, pour s’affirmer, par pur défi. Mais ses deux conseillères s’étaient mises à la traverse : — Assia, parce qu’elle ne comprenait pas la vanité des bravades inutiles : (passe encore s’il eût été contraint à prendre parti ! Bien qu’en ce cas elle pensât, comme les communistes, que le devoir était alors d’entrer dans le rang, afin d’y prendre les armes de l’ennemi, non de les refuser !) l’objection de conscience lui semblait niaise… Annette, qui en connaissait la grandeur, évitait d’y pousser Marc, parce qu’elle sentait que la conviction de Marc était douteuse, et qu’il eût apporté à son refus plus d’amour-propre que de foi sincère. Et trop de raisons « raisonnables » plaidaient pour qu’il acceptât l’échappatoire : l’enfant qui venait, ses lourds devoirs de chef de famille, et sa santé. Il échappa. Mais son moral en garda une humiliation, le regret d’une bataille non livrée, d’une défaite, — (Assia avait mis le doigt sur la plaie) : — de « ce qu’il n’avait point fait ». Il se sentait diminué.

— Il lui eût fallu prendre sa revanche par une autre action, — fût-ce en parole ou par écrit. Mais les moyens