ne tarda pas à s’abattre, comme des bandes de moineaux, sur les miettes : — (ce n’étaient pas seulement des miettes pour l’esprit, mais aussi pour l’estomac ; une bonne partie des petites économies de Sylvie y passèrent). — Une fois qu’ils connurent le chemin de la becquée, ils ne l’oublièrent plus de si tôt. Ils étaient là, de l’aube à la nuit. Il fallut louer, pour les mauvais temps, des baraques de chiffonniers : on les rafistolait, comme on pouvait, ainsi que de vieux souliers ; les enfants s’employaient à les rapiécer. Ils avaient beaucoup à faire de se rapiécer eux-mêmes. On développa parmi eux l’aide mutuelle, sous le contrôle de petites matrones et de petits « matrons » (point de patrons !) que l’on sacrait chefs de famille et qui devaient avoir l’œil sur leur clan, moucher, torcher, raccommoder. S’organisèrent des ébauches d’ateliers. Sylvie parvint à racoler quelques bonnes volontés : jeunes hommes et filles, en mal d’idéalisme social, (cela ne durait pas très longtemps !), vieux petits bourgeois, en retraite d’emploi, — qui devenaient plutôt des embarras : car les nouvelles couvées leur étaient plus étrangères que des indigènes d’autres races, ils ne parlaient plus le même langage ; à tout contact, c’était un choc. Çà et là, quelque ouvrier du quartier, un des parents, qui profitait d’une après-midi du samedi, ou d’un congé de maladie, pour venir voir, s’intéressait, et y allait d’un coup de main ou d’une leçon de choses. Mais c’était l’oiseau rare : l’homme de peine fait sa tâche et sa graine ; l’une et l’autre faites, il s’en désintéresse, il a besoin d’oublier. L’argent manquait, les petits becs étaient un gouffre, et la parole de Dieu, ou de Sylvie, ne nourrit pas les ventres creux ! Sylvie rognait sur son manger, pour le distribuer à ses oiseaux ; mais elle n’était pas un Vincent de Paul : elle ne se fut pas dépouillée de ses vêtements pour habiller ceux qui vont tout nus ; même la
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