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Ce ne fut que les premiers temps. Été de la Saint-Martin. Mais ces derniers beaux jours ne furent pas perdus.

D’abord, elle s’occupa à bien maçonner son nid. Point de luxe, mais confort. La petite anachorète ne renonçait à satisfaire aucune gourmandise, ni de la bouche et des mains, ni du siège et des reins : un bon lit, moelleux, bien pétri de la croupe et des épaules ; un tapis savoureux à l’œil et au pied nu ; un fauteuil où les fesses délicatement s’emboîtent ; quelques meubles en bon bois, solides, simples, commodes, agréables au toucher ; de gais papiers aux murs, et aux fenêtres point de rideaux. Aucun voisin, rien à cacher. Y eût-il eu des voisins, Sylvie ne s’en souciait guère ! — « Se rince l’œil qui veut ! Moi, je me rince le mien avec ce beau petit jour, qui entre à pleine volée. Je veux le voir tout nu, et qu’il me voie de même ! »

Elle avait des prunelles de tiercelet, claires et dures ; ses yeux ne clignaient jamais. La tête de son lit était tournée en face du clair, — du clair de jour, du clair de lune : elle n’en avait jamais assez.

Quand son petit royaume de trois pièces fut installé, — (son plus grand luxe était les fleurs, dont elle enguirlanda ses frontières : à chaque fenêtre, elles grimpaient par des échelles, dessus le toit), — Sylvie songea, comme les anciens barons, de leurs nids d’autours, aux incursions dans la plaine. Sa fringale d’activité lui revint. Il fallut sans tarder l’employer. Elle se rappela l’idée, jetée dans un entretien par une amie institutrice, d’une école de plein-air à fonder pour les enfants pauvres des faubourgs et de la zone. Elle la fonda avec l’amie, dans les terrains vagues des « fortifs ». Malgré ses vieilles jambes, lourdes à porter, elle battit le rappel dans le quartier. Sa langue dorée, qui enjôlait impérieuse, entortilla les autorités et les parents. La marmaille