terrible indifférence qu’elle avait lue dans Bernadette, après la mort de Marc ? L’indifférence lui eût paru plus terrible encore, si elle avait su les rapports qui avaient existé entre eux. Mais qui pouvait dire qu’elle ne les eût pas subodorés ? Les narines de Sylvie étaient bien fines. Elles en savaient plus, quelquefois, que son intelligence…
Sylvie jeta son dévolu sur un petit appartement de trois pièces, mansardé, au sixième d’une vieille maison, à un coin de rue, dans son ancien quartier, avenue du Maine. La maison était à l’ancienne mode, sans aucun moderne confort. Les amis se récrièrent. Après le bien-être dont elle avait joui, ce n’était pas le moment de renoncer à ses aises, quand sa santé était atteinte aux sources. Mais elle s’entêta. Tout ce qu’on put obtenir, c’est qu’au lieu d’être astreinte à l’obligation de l’escalier de service, aux marches raides, qui menait seul directement au sixième, elle prît l’ascenseur du grand escalier jusqu’au cinquième, et de là, par une porte de service qui rejoignait l’autre escalier, qu’elle n’eût plus qu’un étage à grimper. Encore fut-il plus aisé d’avoir l’acquiescement du propriétaire que celui de cette mule. Sylvie s’obstinait, par bravade, même après l’autorisation, à monter les six étages, « de son pied léger », comme elle disait — (elle dut convenir qu’il ne l’était plus !) Quand on ne la voyait pas, elle s’arrêtait plus d’une fois, appuyée au mur, le sang bruissant aux oreilles ; et même elle devait s’asseoir sur les marches, suffoquant. Jusqu’au jour où la gonflure des jambes l’avertit que ce petit jeu ne pourrait continuer longtemps. Alors, elle en passa par la contrainte de l’ascenseur ; et les premières fois qu’elle en usa, elle convint in petto qu’elle en était bien aise. Mais elle se garda de le dire aux autres ; et les autres firent semblant d’ignorer, pour ménager sa susceptibilité.