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La commotion de la mort de Marc avait eu chez Sylvie des effets beaucoup plus apparents que chez Annette. Le coup acheva sa santé ruinée et modifia entièrement sa façon de vivre. Elle prit en grippe ses enfants adoptifs, et déclara, du jour au lendemain, qu’elle partait de chez eux : elle voulait vivre ailleurs. Bernadette[1] se crut obligée d’insister pour la retenir. Sylvie lui dit.

— « Tu as mon argent. Qu’est-ce que tu veux de plus ? »

Bernadette verdit sous le soufflet. Elle ne parla point de rendre l’argent ; mais elle garda l’offense mortelle ; et elle dit :

— « Pars ! »

Sylvie avait tort de mettre en doute l’affection de Bernadette. L’attachement était réel. Malgré le manque de chaleur, c’était l’unique sentiment de tendresse qui mouillât un peu les racines de cette âme sèche. Mais l’amour-propre était le plus fort. Une fois blessé, il ne pardonnait jamais. Bernadette ferma sa porte et s’interdit de penser désormais à Sylvie.

Et la rancune de Sylvie, d’où venait-elle ? De la

  1. Voir L’Annonciatrice, I : La Mort d’un Monde.