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Annette rit :

— « Pas pour toi, mauvais garçon ! »

Elles s’embrassèrent.

— « Qu’est-ce que tu veux, ma fille ? » dit Annette. « Si tu es folle, je le suis aussi, puisque je t’aime, faut se résigner !… »

Vania et George, après le passage, restèrent, quelques jours, troublés. Sans bien comprendre, ils humaient un orage d’âme qui venait de traverser leur atmosphère ; et leur atmosphère en demeura, quelque temps, saturée. George gardait aux joues la cinglure de la dispute avec Assia ; mais au départ, Assia lui avait tendu franchement la main, et dit : — « Merci ! » — en la regardant droit dans les yeux. George était maintenant partagée entre le regret de ne pas pouvoir reprendre la lutte avec Assia, jusqu’à ce qu’elle lui eût fait mesurer la terre, et le regret fougueux de ne l’avoir pas embrassée. Vania se frottait le museau, que la bouche vorace de sa mère avait mangé de baisers ; et il se répétait le cri : — « Mon Marc ! » — qui l’avait bouleversé. Comme elle l’aimait, Marc, son père !… Et c’était Marc qu’elle embrassait en lui… Il l’était donc ? Il était Marc ? — Oui, il l’était. Il le serait…

Et un flot brûlant de gratitude le mariait à cette mère, qui lui confiait la survivance de l’homme qui était son culte secret…