À deux, ils n’eurent pas de peine à se faire de Marc un portrait exalté. George était d’autant plus disposée à seconder le vœu secret de l’enfant, qu’elle avait elle-même très peu connu Marc ; et il avait exercé sur elle un attrait de curiosité romanesque qui, dans leurs brèves relations, n’avait pas eu le temps d’être satisfaite, et que l’éclat tragique de sa mort avait surexcitée. Comme Annette ne disait rien à quiconque de ce fils, qu’elle accaparait, l’imagination avait beau jeu pour peindre la fresque. Elle s’était veloutée, au fond des yeux de George, d’une couleur légendaire ; peu s’en fallait que Marc y prît figure de Saint-Georges. Le grave jeune homme d’Or-San-Michele au regard droit, qui offre sa poitrine aux coups du destin… Qu’il fût tombé, cette fois, dans le combat, l’héroïsait davantage.
— « Et je suis son fils. Je le vengerai… »
— « Nous le vengerons… »
Car, puisque Vania était maintenant son garçon, George était la veuve, qui a reçu les cendres du mort et la vengeance…
Mais l’autre femme ? L’autre mère ?… Elles étaient deux. Et il fallait bien s’avouer que l’autre avait eu de Marc la meilleure part, qui n’était pas la légendaire. (George était trop sincère, pour se leurrer, en ces questions, de la supériorité de la légende sur le réel.) — Mais au moins, pour ce qui était de Vania, le réel, c’est elle qui le possédait. Qui quitte sa place, la perd ! Assia l’avait perdue, et elle ne semblait pas, grâce à Dieu ! pressée de la revendiquer. Sa nouvelle vie l’absorbait. De loin en loin, un accès de souvenir passionné la reprenait. Elle écrivait à Annette une lettre d’amour et de remords, — une coulée de lave… — Et une fois, la lave franchit la mer : Assia suivit sa lettre, elle tomba à l’improviste, sans crier gare, sur Meudon. C’était