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se faisait tirer l’oreille. Le meilleur moyen pour qu’elle vînt, était qu’on ne parût point tenir à elle. Non qu’elle n’eût faim d’être aimée, tout en affectant de ne pas croire à l’affection. Mais elle était encore plus affamée d’indépendance ; et avec l’âge, elle devenait plus ombrageuse, elle se tenait toujours sous les armes contre ce qui lui semblait pouvoir y porter atteinte.

— « Eh bien, renferme-toi dans ton beffroi ! Tu en descendras, quand tu voudras. On sera contents, si tu viens. Si tu ne viens pas, on se contentera… »

Le petit univers à trois était complet, comme un accord : Anne, la vierge, et l’enfant. Et comme dans les retables florentins, Sainte-Annette, au sourire léonardesque, fait d’ironie et de tendresse, tenait entre ses genoux la grande fille, qui tenait sur ses genoux le bambin. Mais si elle les couvait tous les deux, tous les deux ne voyaient qu’eux. Annette tarda longtemps à envoyer le garçon à l’école. Elle avait reconnu le génie d’éducation, que cette maternité d’élection avait fait surgir de la vierge-mère ; et elle abandonna, pour commencer, la souple pâte du petit corps aux mains habiles et robustes de la modeleuse. Il passait une partie de l’année, à moitié nu, au jardin, ou dans les bois, vêtu d’une braie de petit Gaulois. L’instinct de George lui dictait, comme premier enseignement, d’habituer son garçon à l’endurance — et, bien entendu, non pas stoïque (c’est la ressource des mauvaises dents), mais l’endurance qui a joie. Le principe de la joie a été justement revendiqué par les Écoles nouvelles en Occident, depuis un quart de siècle. Mais, sans avoir eu vent de pédagogie, George ajoutait à cette notion du plaisir qui est le fruit du libre jeu spontané de l’enfant, la notion virile de l’effort, qui inclut la nécessité de la peine dans la joie pleine. Elle disait à son louveteau :