Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/525

Cette page n’a pas encore été corrigée

en lui offrant le moins de prise. Alors, il abandonnait son corps, passivement. Rien de son esprit. Il était bon observateur. Il avait remarqué qu’en ces derniers temps d’avant le remariage sa mère s’était faite plus jolie et plus soignée. Elle sentait bon. Son nez de petit chien ne flairait pas seulement la peau, mais les pensées qui passaient dessous. Il percevait, avec une curiosité non dénuée d’ironie, tout ce remue-ménage intérieur et cette parole volubile, brusque et chantante, qui l’amusait, qui le fatiguait, et dont il ne perdait pas un mot indiscret. Il avait à lui sa vie de pensée ; et il se faisait, sur le remariage, ses réflexions. Mais il n’en faisait part à personne. Et du sujet, on évitait de lui parler. Raison de plus, pour qu’il y pensât ! (Les grands ne savent pas que les sujets que l’on évite trop, on les désigne à l’attention de l’enfant). Sa mère était, pour Vania, un curieux problème vivant. Curiosité passait tendresse. Mais c’est tout de même un attrait. Qu’est-ce qu’il y avait dedans ? Il ne se le demandait point pour George. Quelle des deux avait le meilleur lot ?

Pour le moment, il attendait que l’envahisseuse qui le violentait le lâchât. Il avait déjà remarqué que tous les ennuis ont une fin. Assia partit. Il la vit s’en aller au loin, sans grands regrets. Il l’apprécia plus, quand elle fut partie. Il lui parut qu’il manquait quelque chose sous son ciel… Pas l’affection maternelle ! De la maternité, il en avait autour de lui, tant qu’il voulait. Mais parmi ses mères, il établissait secrètement des rangs. Celle d’Amérique, qui l’avait laissé, ne fut peut-être pas, pour son abandon même, celle à laquelle il tint le moins. Les blâmes contre elle, qu’il avait saisis ou qu’il devinait, dans son entourage, agissaient dans un autre sens que les blâmeurs n’eussent soupçonné. Même s’il ne comprenait pas les raisons que sa