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moins qu’elle). — Il y avait Annette… (Annette souriait en regardant George et l’enfant ; on ne pouvait savoir si elle ne lisait point dans George ; mais on n’osait pas s’en assurer.) — Et tous ces autres, Sylvie, son père, qui était si incapable de comprendre… On ne pouvait pas livrer son secret… Mais ce dont elle aurait juré, c’est que lui, le petit, avait compris ! C’était leur secret à tous deux. — Et elle pensait vrai. Sauf que l’enfant le trouvait tout naturel, et qu’il ne songeait pas à en faire un secret. Annette avait dû, sans avoir l’air d’y toucher, veiller à ce que la susceptibilité de Assia n’en fût pas offensée. Mais Assia, dans les semaines d’avant son remariage, était trop prise par ses passions et par ses troubles, pour bien observer l’enfant. Quand au milieu de son tourbillon, elle se ressouvenait de lui, elle entrait en coup de vent, l’arrachant à ce qui l’occupait, à ses jeux, à ses entretiens avec l’amie, l’accaparant, l’emprisonnant entre ses bras, lui plongeant ses yeux dans les yeux, l’accablant de ses questions emportées qui n’attendaient point de réponses, et de ses étreintes sans se soucier s’il y avait plaisir ou non. Et rassasiée, elle le laissait et retournait à sa chasse aux peines et aux espoirs.

Annette était la seule à suivre, d’un regard de côté, les réactions morales de l’enfant. Encore n’en voyait-elle pas la moitié. Il se faisait en ce petit homme un travail secret, dont les grands ne se doutaient pas. Vania — (il était riche en noms dans les deux langues : Jean, Ivan, Jeannot, Vanneau, Vania, Vanioucha), — avait très vite compris qu’il était inutile, et même peut-être préjudiciable, d’opposer une résistance aux passages de l’ouragan…

— « Qu’est-ce qu’elle a à me secouer ? Mais il paraît qu’elle a le droit. Elle est ma mère… »

Le mieux était d’attendre que l’ouragan eût passé,