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Il y avait la source maternelle : quand le petit se blottissait, avec un chagrin ou un bonheur trop lourd pour ses petits bras, dans les forts bras de la femme ; elle en avait un bondissement de chaude joie dans les entrailles, comme si les petits pieds y dansaient. Il y avait… il y avait la source même de l’amour — le seul, le vrai — (il n’est qu’un seul pour tous les êtres), celui qui dort ou veille, rêve, chuchote, ou parle haut, aux cœurs des mâles et des femelles : (que ces beaux noms brutalisés soient rétablis dans leur dignité !) l’amour qui les fait éternellement flamber du désir que se rejoignent les deux moitiés de l’être unique… L’amour sacré qui, dans le mystère de sa retraite, ne connaît aucune barrière, enjambe les âges, et, bien que ses racines soient enfoncées dans la chair, n’en tient pas compte dans son élan illimité, unit les êtres, par-dessus les mers, à travers les étendues et de l’espace et des années…

D’où était-il venu, ce besoin d’adoption mutuelle, qui se satisfaisait sans gêne et sans trouble ? — Pour le petit, des premiers jours où sa mémoire tenait serré le fil des jours, sans le lâcher. Depuis trois ans, (il lui semblait que c’était toujours), il voyait rire au-dessus de ses yeux les belles dents de la grande amie ; et, ces nuits d’été où dans les prairies, sous la fenêtre, crissaient les crécelles des criquets et grondait au loin la lamentation du torrent — (c’était en Suisse, en ces semaines où son père allait au-devant du couteau florentin) — il écoutait le souffle calme de ce grand corps étendu (elle l’avait pris dans son lit), et dans le creux de son bras chaud il appuyait sa joue et son nez… Bonheur et paix… Rien n’avait pu ébranler cette impression fondamentale. Même les jours de deuil qui avaient suivi ; et bien des troubles inexplicables dans la maison… Mais elle et lui, quand ils étaient les deux ensemble, les deux sans trois, ils n’avaient jamais