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entrés dans la maison. Et ce petit être qui vient d’arriver, à qui vous apprenez à marcher, va se trouver, du premier coup, d’aplomb sur un terrain qu’avant d’avoir exploré il connaît déjà beaucoup mieux que vous. Il est de plain-pied avec l’aujourd’hui. Ils sont d’entente. Et vous, vous restez à la porte…

Il dépend de vous, de passer le seuil. Osez entrer dans l’avenir ! C’est bien facile, pour qui se décharge du passé ! Mais Annette ne voulait pas, ne pouvait pas ; elle entendait ne sacrifier aucun des deux. Pour arriver à faire entre eux l’harmonie, il lui fallut plus d’un jour. Les premiers temps, Annette se borna à observer maternellement le petit Jean. Elle avait autant à apprendre de lui, que lui d’elle. Et ils avaient George comme truchement.


La plus étrange, la plus charmante association s’était formée entre la jeune fille et l’enfant. Quinze années d’âge les séparaient, les unissaient. Le garçonnet de moins de huit ans, la grande fille de plus de vingt-trois, s’étaient, d’un secret accord, décrétés roi et sujet l’un de l’autre… — « Tu m’appartiens. Tu es mon bien… » On n’avait pas eu besoin de poser des conditions. Sans conditions ! — « Je suis ton bien. Je t’appartiens. » Traité signé !… « Ce n’est pas ta volonté. C’est mon plaisir. Et mon plaisir est ton plaisir… »

Quel peut bien être le terrain commun entre ce petit et cette grande ? — Tous les terrains. Et tous les liens qui peuvent rattacher l’un à l’autre deux êtres humains, — hors celui qui noue ensemble les deux sexes. Ils étaient juste, l’un et l’autre, à la ligne de partage des eaux où l’on peut boire à toutes les sources. Il y avait la source fraternelle : la grande sœur et le Benjamin.