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deau complaisant qui permet aux compagnons d’être dupes. S’ils ne le sont, ils seront donc complices ? C’est une épreuve cruelle à faire subir à de braves gens, qui ont du foin au râtelier. S’ils y renoncent, où manger ? Ils ne sont plus tout jeunes, ils sont fatigués, et les autres râteliers sont occupés.

C’est un métier de riches que de prétendre, sans passer par aucun joug, exprimer sa pensée libre sur les sujets qui touchent de près aux intérêts d’aujourd’hui. Et naturellement, les riches ont mieux à faire qu’à miner le sol sous leurs pas, en révélant de quoi est faite leur richesse. Alors, il y a ces phénix d’intellectuels, qui, sachant très bien l’impossibilité ou les dangers de la liberté agissante, font les rodomonts avec elle et affectent de la mépriser : fi de l’esprit qui s’asservit aux réalités de la vie sociale et politique ! Il n’est de liberté de l’esprit pour ces preux, que stérile : « la foi qui n’agit point… » — si ce n’est en cet empyrée des Idées, dont le mécanisme d’horloge se déroule dans la boutique du fabricant, portes fermées aux risques et aux cahots de la vie. Certes, ils sont libres de la vie, car ils sont morts. Benda, le « clerc » accroupi, veille sur les ossements blancs, dans la vallée de Josaphat. Il veille à ce que l’Ange ne les réveille pas…

L’appétit de Marc se satisfait-il de cette Liberté funéraire ? Il la recrache avec horreur. Il n’est d’esprit, il n’est de vie, que ceux qui agissent ! Mais où sont-ils, les vrais vivants ? Et comment feront-ils pour se tenir debout sous la toise, qui courbe aujourd’hui toutes les têtes ? — Brise la toise ! troue le plafond ! — Tu ne le peux, seul. C’est ton crâne qui s’y brisera. Il faut t’unir aux autres révoltés. Mais s’unir, c’est se lier. C’est accepter les disciplines de partis et les doctrines, dont ces partis sont bardés. Marc refuse. Assia, dont