Aux premières questions que Annette lui posa sur son mal, il avait été droit au but : (il ne mâchait jamais ses mots). Il lui avait, de lui-même, décrit les symptômes qu’elle ressentait, cette douleur qui la peignait dans la poitrine et s’irradiait sous l’aisselle gauche, le long du bras jusqu’aux ongles. Il discernait, au-dessous des paupières, l’enflure bleuâtre de la face, et cette pâleur de la main… Langage connu ! Il le lisait, à première vue. Ce corps était celui de la femme qu’il avait possédée. Mais bien qu’elle et lui se souvinssent, il le scrutait, en ce moment, du regard froid du médecin ; et elle le voyait, comme lui, du dehors ; elle se sentait étrangère à ce corps. Elle dit :
— « C’est l’angine de poitrine ? »
Il dit :
— « L’angine classique. »
— « En cela, du moins », plaisanta-t-elle, « vous ne direz pas que je suis une romantique. »
— « Vous avez toujours été, au fond, une classique sans le savoir. »
Il la regardait se rhabiller.
— « Mais où en suis-je ? » demanda-t-elle.
— « Plus au début. »
— « Ça, je le sais. »
— « Il y a déjà un bon bout de chemin de fait. »
— « Et qu’est-ce qu’il en reste ? »
— « C’est selon. Il s’agit de ménager vos pas. »
— « Je ne marche plus guère. »
— « Même ne bougeant plus, vous trouveriez toujours moyen de courir comme une dératée ! »
— « Et savez-vous le moyen de l’empêcher ? »
— « Je ne le sais pas ; et si je le savais, je ne le dirais probablement pas : il y a des remèdes qui tuent plus sûrement que le mal. »