Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/506

Cette page n’a pas encore été corrigée

tuellement… Elle en avait pourtant beaucoup vu et connu, en sa vie ! Mais cette jeune femme lui en révélait encore certains aspects inattendus. Ces monstres du cœur et de la pensée !… Son pauvre Marc avait couché, auprès. S’en était-il douté ?… Il en avait d’autres !…

— « Et j’ai les miens… Toute cette jungle !… On est tout de même plus tranquille, là où il est… » Mais elle serra dans ses bras la chère fille au tendre corps, qui recelait cette fièvre et ces ténèbres cruelles — et, dans l’élan de sa confiance sauvage, qui venait lui en faire don.

Assia lui fit un plus beau don, plus pur, et qui lui coûta davantage. Elle remit à la grand’mère la garde de l’enfant. Il faut avouer qu’il l’eût gênée. Quand on recommence une lune de miel, on ne se charge pas sans embarras d’un quartier de la lune effacée. Il rappelle trop les nuits éteintes. Mais ce n’en était pas moins un sacrifice. On pouvait reprocher à Assia d’aimer mal tout ce qu’elle aimait, — sauf son amant. Elle aimait désordonnément. Mais on ne pouvait lui reprocher de manquer d’amour pour son enfant. Elle l’aimait avec emportement, d’une possession animale… « Mien ! Je l’ai fait. Je le tiens encore au nombril. Il m’appartient… » Mais elle n’entendait pas lui appartenir. L’instinct de Assia ne se souciait pas de justice, au marché. Elle l’oubliait, le reprenait. Elle ne pouvait pas y fixer sa vie et sa passion. Et comme son intelligence était juste, capable au moins de voir le juste, elle se rendait compte qu’elle faisait tort à l’enfant, et qu’elle lui en ferait bien davantage, dans l’avenir : car voir son tort ne l’eût point fait changer, d’une ligne. Le plus grand effort de volonté qu’elle pût consentir était de renoncer à cette possession, puisqu’aux devoirs de cette possession elle reconnaissait ne point