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encore mieux chienne que bigote. Les chiens, du moins, ont de bons yeux. Fais tes bons yeux ! »

— « Mire-les ! Pour toi, à toi. — Mais pour elle, à elle, non, non et non ! »

— « Tu as tort. Pardonne et donne ! »

— « J’ai tort… Peut-être… Mais il me plaît d’avoir tort… Je ne lui pardonnerai jamais… Au reste, qu’elle épouse qui la chausse ! Et que son chat botté nous en balaye le plancher ! Bon voyage ! Je gratterai avec mes ongles jusqu’à sa trace ! »

Annette haussa les épaules et se tut. Quand Sylvie était enragée, le bon Dieu même aurait dû baisser pavillon.

Annette et Assia s’arrangèrent pour passer seules ensemble les dernières journées. L’hostilité des autres, ou leur désapprobation polie, que Assia lisait même dans les compliments de Julien et de Bruno, la pointe secrète d’un remords qui la vrillait, lui faisaient mieux apprécier la compréhension d’Annette. Elle en avait besoin, vis-à-vis de soi, pour s’affirmer son droit. Elle était sûre de son droit : il n’eût pas fait bon y toucher ! Mais elle était de celles qu’aucun scrupule n’empêche de vaincre, et qui, la victoire faite, s’en retournent chercher les scrupules laissés à la porte. Il faut que le monde, dont elles n’ont pas tenu compte pour passer outre, les aide maintenant à balayer la poussière faite par leurs pas. Le monde ne bouge ! Nul ne balaye devant la porte de son voisin ; on serait plutôt enclin à envoyer de son côté la crotte. Annette devait s’ingénier à faire reluire le seuil de Assia, sa conscience troublée. Et comme l’âme jeune est avide, après un deuil, de happer le bonheur qui s’offre, Assia ne demandait qu’à se laisser convaincre : elle rayonnait. Il en demeurait, chez Annette, quoi qu’elle en eût, quand elle se retrouvait seule au logis, une poignante mélancolie. On ne peut