d’hier reculait, chaque jour, dans le passé ; et elle, elle continuait d’avancer. Elle ne pouvait emporter que ce qui, du passé, se prêtait à avancer avec elle.
Et il y avait, d’abord, cette rancune de l’attentat, cette soif de vengeance contre ceux qui lui avaient arraché son Marc. Mais où et comment les saisir ? Les « bien-informés » l’étaient peut-être moins qu’ils ne le semblaient ; et l’eussent-ils été, ils ne tenaient pas à ce qu’on les sût dans « le secret des dieux ». Jean-Casimir, sur qui ce fut malaisé de mettre la main, affirmait maintenant qu’il n’avait pas prévu la catastrophe ; il essayait plutôt de diminuer la portée des avertissements qu’il avait donnés, à la veille du départ : c’étaient, assurait-il, de simples conseils de « prudence générale », que lui inspirait une « expérience générale ». Mais quand Assia, narines froncées, le poussant dans ses retranchements, voulait savoir quelle était donc cette « expérience générale », il éludait les questions, il évitait toute précision, il parlait seulement des risques qui s’attachent à ceux qui menacent de tout-puissants intérêts.
— « Vous les connaissez aussi bien que moi… »
Et tout de suite, il ajoutait :
— « Mais dans le cas de Marc, cela n’a rien à voir avec le désastreux hasard, dont il a été victime… »
Il y a des époques où le hasard est épidémique. Il avait aussi frappé Timon… Et d’autres assassinés par erreur, ou par accident… Inutile d’espérer de Zara qu’il mit sur la piste de l’accident ! Il avait envoyé ses condoléances, comme s’il s’était agi d’une catastrophe de chemin de fer… — Bien des années après, Assia le rencontrant en Amérique, Zara, pressé par elle, esquivant le sujet, laissait entendre que le coup venait de plus loin, de plus haut que « le maître ».