Il essaie de lutter :
— « Mais n’as-tu pas ton propre foyer, ton feu intérieur ? »
— J’ai besoin de l’alimenter. »
— « Et ton petit faon ?… » (il hésite à ajouter : « et ton Marc ?… » )
Elle rit :
— « Mon petit faon et mon grand daim… »
Il reprend, avec humilité :
— « Ils ne suffisent pas à t’alimenter ? »
EUe lui caresse le visage, il baise la main, au passage.
— « Bien sûr, bien sûr, cela me fait une belle petite chaufferette… »
— « Et voilà tout ? »
— « Et c’est beaucoup. Mais (pardonne-moi !) j’aurais besoin de me dégourdir les pieds sur la terre, chaude ou froide, qu’importe ? C’est dans mes pieds que je veux le chaud — marchant, courant et agissant. »
— « Eh bien, ne pouvons-nous agir ensemble ? »
— « Oui, mais comment ? Qu’est-ce que tu peux faire ? »
Il ne sait que trop son impuissance, mais il essaie de protester :
— « Nous pouvons tout faire. Nous sommes libres. »
Elle a son sourire, qui éteint :
— « Libres de faire le tour de la clôture. Ne dis pas de bêtises ! Tu sais bien que la liberté est parquée dans des camps de concentration. Défense de sortir ! On pourrait aussi bien l’étrangler. Mais ils sont bons princes ! Il n’y a qu’à laisser la race s’épuiser. Les derniers libres — libres de quoi ? — on les exposera dans des cages du Jardin des Plantes. Tu y seras. »
— « Et toi, Assia ? »
— « Moi, non. Je ne sais pas encore comment. Mais libre ou non, j’en sortirai. »