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— « Ainsi, vos yeux ont été les témoins de mon bonheur. Conservez-le moi ! Quand je serai trop accablée, je saurai qu’il est sous votre garde ; et peut-être vous me permettrez de revenir m’assurer qu’il est encore vivant. »

Puis, elle dit :

— « Moi aussi, je vous avais vu. Non pas, ce jour. Non pas vos traits. Mais votre bonté pour mon petit, et votre reflet dans son esprit. »

— « J’ai fait bien peu. »

— « Ce peu a été, quand il errait perdu, la main qui montre le chemin. »

— « À mon tour, de vous demander comment vous l’avez su ! »

— « Il l’a écrit. Voulez-vous le lire ? Je vous l’ai transcrit. Et je vous rapporte aussi vos lettres. Pardonnez-moi ! Je les ai lues. »

— « Elles sont à vous. Quant à ce chemin que, dites-vous, je lui ai montré, ne m’en veuillez point des précipices où il a conduit ! »

— « Vous ne pouviez point les prévoir. »

— a Je ne prévoyais point celui de l’Arno. Mais, de toute façon, son chemin en était bordé. »

— « Et, le sachant, vous lui avez dit : Va ! » ?

— « Je l’ai dit. Je ne pouvais pas autrement. »

Elle baissa le front, puis le releva :

— « Je l’aurais dit, aussi. C’était sa voie. Quand je l’ai fait, que je l’ai fait naître, que je l’ai vu grandir, je savais bien que sa voie serait dangereuse. Elle ne peut pas ne pas l’être aujourd’hui — que pour les lâches. Plus d’une nuit, j’ai, par avance, pleuré sa mort. Mais j’espérais qu’elle attendrait au moins la mienne. Ce qui me déchire, c’est qu’elle n’ait même pas attendu qu’il ait vécu. Elle l’a pris, aux premiers pas de sa vie d’homme, quand la lumière se