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Je répondis :

— « Il y a quelques minutes, je ne savais pas que vous viendriez. Mais à présent que vous êtes venue, il me semble que je vous attendais. »

Dans son visage calme, où l’esprit ne laissait point affleurer l’émotion, les prunelles myopes s’élargirent, et elle dit :

— « Vous ne savez pas qui je suis. »

— « Je le sais », dis-je. « Vous êtes Marc Rivière. »

Ses joues ocrées par les longs jours de tête-à-tête avec son deuil, où le sang avait reflué à l’intérieur, se colorèrent brusquement de deux taches brunes ; et je vis la violence de ce sang passionné.

— « Comment, comment », dit-elle, « avez-vous pu ?… Je ne lui ressemble pas… »

— « Il vous habite. La maison, c’est vrai, n’a rien peut-être qui lui ressemble. Mais il est là. Il me regarde, par la fenêtre. »

Et c’était vrai. Je le voyais, par les vitres de ces yeux… Un mimétisme inconscient fait que le visage se modèle, sans savoir, à l’image de l’aimé qui le hante. Elle me dit :

— « Ah ! quel bonheur que vous me le disiez ! Il est donc là ? » (Elle pressait ses mains contre son sein). « J’ai donc réussi à le garder !… »

Nous demeurâmes sans parler. Elle était trop oppressée. Pour ne point la gêner, j’avais détourné les yeux. Sa main, après avoir hésité, vint toucher ma main.

Elle dit :

— « Merci. »

Je lui dis :

— « Ce n’est pas la première fois que je vous vois. »

Elle demanda :

— « Où donc ? »

Je lui racontai. Elle dit :