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Elle eut encore bien des déserts à traverser. Les plus desséchés étaient devant, à mesure que ses pas l’éloignaient des sables roux, sous lesquels sourd le jet sanglant. Une autodéfense de l’organisme fait qu’il réagit, dans l’exaltation de la douleur qui l’enivre, à la façon d’un alcool. Mais l’ivresse tombée, l’organisme se retrouve plus faible et plus prostré. Il y eut des mois de désespoir gris, morne et sans souffle. Non pas des mois, ni des semaines, ni même des jours ininterrompus. On ne pourrait pas vivre. La torturante bienfaisance de la nature veut que l’âme reprenne souffle, pour le reperdre, selon un rythme désordonné, qui lentement retourne à l’équilibre. Périodiquement, la vague se creuse et se gonfle. Annette sombrait et reparaissait à la surface. Mais cette grande houle se déroulait loin des rivages. Elle n’admettait aucun regard, et les regards la fuyaient. La désolation de ces espaces océaniques est comme la joie qui passe les bornes : elle ne tolère point le partage. On y est seul, et on veut l’être.

Annette l’était. Assia l’était. Chacune, à part. Chacune s’enfermait avec son mort. Il était deux, pour les deux femmes, qui l’avaient aimé et possédé, —