Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/479

Cette page n’a pas encore été corrigée

— « Narada, j’ai soif ; va me chercher de l’eau ! »

Narada partit pour chercher de l’eau. Il arriva à un village. Il frappa à une porte. Une très belle fille lui ouvrit. Dès qu’il la vit, il oublia tout, il la regardait. Enivré d’amour, il demanda à l’épouser. Ils se marièrent, elle lui enfanta deux enfants, ils vécurent ensemble douze années. Il était heureux, avec sa femme, ses enfants, ses troupeaux et ses champs. Une nuit, la rivière monta. Elle submergea tout le village. Les maisons s’écroulèrent, hommes et bêtes furent emportés. Narada nageait, luttant contre le courant, et il portait sa femme et ses enfants. L’un des enfants lui échappa. En essayant de le sauver, il lâcha l’autre, sa femme fut arrachée à son étreinte par la violence du torrent. Il fut rejeté seul, sur le rivage, et il sanglotait amèrement

Alors, derrière lui, une douce voix demanda :

— « Mon enfant, où est l’eau ? Tu es allé chercher un verre d’eau, et je t’attends. Voici une demi-heure que tu es parti. »

— « Une demi-heure ! » s’écria Narada

Douze années avaient passé. Douze années de joies et de douleurAvaient passé les yeux de Maya. »


Annette écoutait, émue ; et aux derniers mots, elle eut un frémissement, elle dit :

— « Et le verre d’eau, je ne le rapporte même pas !… »

Bruno répondit :

— « Vous êtes arrivée à la fontaine. Vous n’avez plus qu’à y puiser. »

Annette mit son visage dans ses mains, et pleura. Quand elle releva son visage, elle vit aussi aux yeux de Bruno des larmes ; mais son expression était calme. Elle lui prit la main :