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volontaires. Ils fourbent le maître, qui les laisse faire : car il les tient. Et ces jeunes intellectuels et ces requins tiennent ensemble boutique d’idéologies et d’affaires. Hier, la guerre, la nation, la civilisation latine. Aujourd’hui, la paix d’Europe et, bien entendu, la liberté qui en est la denrée d’échange : (valeur cotée en Bourse, elle est en baisse, on l’achète aujourd’hui pour rien) ! Qui veut être libre, il lui faut l’argent. Et qui veut l’argent, il faut qu’il vende sa liberté. Combat de conscience ? Que non pas ! La conscience du jour a le cœur trop sensible, pour s’exposer à ces troubles de santé : elle se démontre mathématiquement que si elle est libre, c’est donc son droit de se vendre ; il lui suffit de vouloir ce pour quoi on l’achète. Et elle le veut. Vous n’avez qu’à lui dire quoi. Elle vous fournira aussitôt d’arguments. Il n’est que de les rendre sonnants. Ou or, ou places, ou rôles à jouer : le pouvoir… Il a bien dit, celui qui a dit : — « Vouloir, c’est pouvoir… » Vouloir le pouvoir. Ils le veulent tous. Chacun sa part ! Et pour quoi faire ? Quand ils y sont, pour y rester. Ce n’est pas alors qu’il faut compter qu’ils se dégageront de l’écheveau de compromis, dont ils ont dû s’encorder pour l’ascension. Ils y resteront pour toujours enchevêtrés, comme des mouches dans la toile. Et l’araignée, où et qui est-elle ? Elle est repue, elle veille sur son garde-manger. Les grosses mouches continuent de bourdonner. Elles veulent se persuader qu’elles sont encore libres. Elles ne le sont plus. Chaque mouvement de leurs ailes achève de les engluer. — Annette l’a vu, par l’exemple de son bourdon, de son Timon. Il avait beau ronfler et faire la peur autour de lui. Il ne pouvait plus s’échapper. Et il le savait ! Annette a été témoin de ses fureurs. Tout ce qu’il pouvait, c’était s’enrober de plus de toiles ; et il enroulait avec, autour de son dos, les milliers d’insectes