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— « Attends-moi ! »

L’image s’engloutit dans la terre. Annette, frémissante, s’était dressée. Mais son regard s’abaissa sur la fosse, et dans ses membres la paix rentra. Elle se rassit… Il était là !… Il avait beau s’enfoncer derrière le faîte de la colline. Le fond de la terre était proche. La mère saurait bien rejoindre son fils…

— « Mon grand, mon grand !… »

Ah ! qu’il avait grandi, depuis le temps où elle le couvait dans son ventre !

— « Maintenant, tu me dépasses… Hier, mon fruit. Aujourd’hui, mon arbre… »

Et elle regardait, au dehors, au coude du chemin qui montait, un beau hêtre aux rameaux étendus comme des ailes ; au pied, une vieille femme chargée d’une hotte s’arrêtait pour souffler, près d’une croix. Elle répéta tendrement :

— « Mon grand !… Soutiens-moi ! Je suis si faible ! J’ai tant de peine !… Je sais, je sais, je ne dois pas, tu me le défends… Oui, mon vaillant, il faut maintenant que je sois digne de toi… Je le serai, si tu es là. Ne me quitte pas ! Tiens-moi la main… Tu verras que ta maman, te fera honneur. Elle tiendra, si tu la tiens. C’est toi, désormais, qui es le père. Et moi, l’enfant… Allons, mon grand !… »

Elle se leva. Une petite pluie de mai tombait, la transperçait. Elle tombait aussi sur la fosse. Elle unissait le fils et la mère. C’était comme si chaque goutte qui mouillait son cou et ses épaules désaltérait la soif du mort :

— « Tout est à toi, qui est à moi : l’eau et la terre. Nous partageons. Tu me donnes ta mort, et moi ma vie. Je ne m’en vais pas. Je reste couchée auprès de toi. Je ne m’en vais pas. C’est toi qui vas. Et je te suis. Tu me devances… Courage, Annette ! Reprends ta