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droit de lui rien refuser, en de telles heures, ni de risquer sa vie, quand cette vie pouvait encore être de quelque prix (elle le voyait) à sa grande. Elle pensa :

— « Je ne veux pas mourir. Elle a besoin de moi ! »

Quant à Assia, elle avait eu, dans la nuit, une forte fièvre, et le médecin appelé, réservait son diagnostic ; il interdisait toute fatigue. Il eût été imprudent qu’elle s’exposât à de nouvelles émotions. Elle s’en désolait et protestait qu’elle voulait accompagner Annette. Mais son subconscient se cabrait :

— « Non, non, je n’irai pas !… »

Elle avait peur du cimetière. Peur de la vue même de cette bière. Peur, cette femme, qui avait traversé tant de champs de mort et de la guerre et de la révolution !… Justement ! Elle les avait traversés. Et c’est après, que leur trace avait lentement, lentement rongé l’acier. Son énergie nerveuse était à vif ; et le dernier coup l’avait brisée. Elle ne pouvait plus supporter le tête-à-tête d’une journée avec le mort. Il avait beau être invisible ! Si elle l’eût vu, c’eût été moins terrible… « Ce que je vois est hors de moi. Ce que je ne vois pas et qui est là, m’assiège et entre… »

Annette se garda d’insister. Qu’elle fût seule était son vœu : elle n’eût pas osé le formuler. Elle écarta l’aide de George, qui aurait voulu s’accrocher à elle, mais elle ne put refuser celle de Julien Davy.