Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/462

Cette page n’a pas encore été corrigée

Annette, revenue près des autres, écarta d’un geste tout entretien. Elle dit à Sylvie :

— « Tu vas coucher avec moi. C’est mieux que tu ne rentres pas seule. Et ça me fera du bien. Mais on ne se parlera pas. C’est promis ? »

Elle la quitta, pour s’occuper de sa belle-fille ; elle la força à manger un peu. Assia ne voulait pas, et pleurait. Annette la confia à George, qui l’emmena ; et George reçut aussi les instructions pour le lendemain, les formalités à remplir pour les obsèques. En s’en allant, les deux jeunes femmes, qui n’arrivaient pas à tarir l’eau de leurs yeux, se disaient :

— « Comment fait-elle, comment font-elles toutes les deux, pour ne pas pleurer ? »

Et elles en étaient presque révoltées. Mais elles en en étaient aussi terrifiées. George dit tout haut ce que pensait Assia :

— « Mon Dieu, mon Dieu, ce doit être l’enfer, de ne pas pleurer !… »

Les deux sœurs étaient assises sur le lit, elles se regardaient avec une tendresse infinie. Annette aida Sylvie à se déshabiller, et elle s’étendit près d’elle, dans la nuit. Elles s’entourèrent de leurs bras. Et leur énergie se brisa. La cadette se serrait contre l’aînée ; et l’aînée étreignait la cadette. Sylvie, la première, gémit :

— « Notre pauvre petit ! »

Alors, alors, le torrent du cœur… La digue sauta. Et les larmes les inondèrent… Nul ne pouvait voir. Même pas elles. Chacune buvait sur le visage de l’autre les deux ruisseaux brûlants qui se mélangeaient en une rivière… Triste rivière ! C’était leur nom et leur sort. Elle était faite de fièvre, d’amour et de douleur. Mais elle était pure, elle était sainte, en ce moment. Son flot était sans souillure. Elle emportait dans son