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jeune cachait sous le sien son visage ; Annette, la face nue, droite, sans se hâter, avait passé son bras sous celui de sa belle-fille ; mais l’œil aigu de Sylvie, du premier coup, vit bien que ce n’était pas pour s’appuyer : la plus jeune était la moins ferme. De loin, Annette reconnut Sylvie ; et sans que sa marche en fût pressée, dès cet instant, son regard ne quitta plus celui de sa sœur. Sylvie voyait ces yeux se rapprocher : ils étaient terriblement calmes, comme la grande bouche, farouche, fermée. Annette voyait nettement le visage dévasté de Sylvie ; et elle n’était pas dupe des expédients ; elle détaillait, sous le rouge emprunté, la bouffissure et la blêmeur. Lorsque les sœurs s’embrassèrent, il n’y eut pas un mot échangé ; mais dans l’étreinte, elles sentaient la déchirure d’un seul corps. George et Assia mêlaient leurs larmes. Quand elles changèrent de partenaire, dans le court moment où Annette tint George dans ses bras, elle s’informa de la santé de Sylvie. George hâtivement lui murmura à l’oreille. Annette reprit Sylvie, passa le bras autour de sa taille ; et la soutenant, sans le lui montrer — car Sylvie, voulant cacher son état, se raidissait — elle perçut sous ses doigts les frémissements de cette chair meurtrie qui trébuchait. Elle emmena sa sœur dans son logis.

La première chose qu’elle fit fut d’aller embrasser l’enfant qui dormait. Elle resta seule, quelques minutes avec lui, dans la chambre non éclairée, où filtrait une lueur par la porte entre-bâillée. Le petit, encore endormi, dit :

— « Bonsoir, papa… »

Puis, s’éveillant à demi :

— « Tiens, ce n’est pas lui, c’est maman Annette. »

— « C’est encore lui ! Dors, bien-aimé ! »

Il se rendormit.