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Sylvie perçut son embarras. Elle fit effort pour la regarder, et dit :

— « Le petit t’attend. Va le retrouver ! »

— « Mais je ne peux pas vous laisser seule î »

— « J’ai l’habitude ; »

— « Mais que ferez-vous, si vous avez besoin de quelque secours ? »

— « Ce que j’ai toujours fait : je m’en passerai. »

— « Mais il ne faut pas que vous bougiez. »

— « Je ne bougerai pas. Je ferai comme lui. »

George tressaillit, et ses jeunes larmes rejaillirent. Elle frotta aux joues de Sylvie ses joues mouillées, et Sylvie eut le goût du sel au coin des lèvres. Elle dit :

— « Tu es bien heureuse de pleurer !… Allons, va-t’en ! J’ai besoin de rester seule. Je ne remuerai pas jusqu’au soir. Au soir, reviens ! Je sortirai. »

George, relevée, les yeux séchés, se récria…

— « Je sortirai. »

George dit non. Elle fit défense. Elle se fâcha…

— « Je sortirai. »

George avait dit que Annette annonçait son retour, le soir. Et sur-le-champ Sylvie avait décidé d’aller l’attendre, à la gare. Il était inutile de discuter.

— « Mais c’est la mort que vous risquez ! »

— « Et quand ça serait ! »

George protestait. Sylvie fit :

— « Assez ! Tu viendras, pour m’aider. Ou j’irai seule. »

George se tut, et sortit.

Sylvie resta seule, étendue ; et elle ne fit pas un mouvement, de toute l’après-midi. Son corps était mort. Sa pensée était dans le train qui, en ce moment, revenait, grondant, à travers la Suisse et la France, Elle était toute avec Annette. Le vieil amour des deux sœurs les avait rejetées l’une contre l’autre. Et pour