George avait reçu en Suisse un télégramme d’Annette, avec mission de préparer Sylvie à la nouvelle. Elle était rentrée, avec l’enfant, par le train de nuit. À peine arrivée, elle courut chez Sylvie. Mais à sa stupeur, elle trouva une Sylvie qui était déjà préparée, une Sylvie sans un sursaut, sans un cri, sans une larme. Ce ne fut qu’après avoir déversé tout son gros chagrin de jeunesse, qui se soulage en s’épanchant à flots et avec bruit, qu’elle s’aperçut de la lividité de la femme aux yeux fermés. Et elle s’épouvanta. Elle lui prit les mains glacées, lui toucha le front, lui tâta le cœur, la serra dans ses bras. Sylvie continuait de se taire. Mais elle rouvrit les yeux. Ce n’était point George qu’elle regardait.
George, robuste, la souleva et la traîna sur le lit. Elle la déshabilla. Elle vit l’enflure du bas du corps, et elle jugea exactement du danger. En attendant d’autres soins, elle fit un bandage et disposa le corps étendu dans le lit. Sylvie se laissait faire, sans bouger. George cherchait vainement à obtenir d’elle un mot. Elle s’assit à son chevet, pour la veiller. Elle ne savait comment faire, entre l’enfant qu’elle avait laissé au logis, et cette femme qu’elle n’eût point voulu quitter.