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les sourcils. Ce mal lui était une compagnie. La longue journée vide passa. Sylvie se retrouva, déjà, au bord de la nuit. Elle avait dû somnoler par instants. Elle eut un regret inquiet que le temps eût fui si vite. Elle eût voulu le retenir.

On lui monta les journaux du soir. Elle les ouvrit sans hâte, dans son lit. Ses yeux indifférents effleuraient les faits-divers. Aux dernières nouvelles, cinq lignes brèves :

« Un Français à Florence, victime d’un attentat… »

Elle ne lut point (elle crut qu’elle n’avait point lu) au delà de cette première ligne. Elle ne s’y arrêta point. Elle éteignit : — si lasse qu’elle laissait le journal ouvert sur le lit… Sommeil. La fosse à l’informe… Ou cet informe n’est-il que l’oubli instantané des formes qui se succèdent, harcelantes et sans trêve ? On est comme dans un sac, ligotée et lancée dans le vide, sans air et sans lumière ; on est sans mains, sans souffle et sans yeux… Elle fut emportée ainsi, pendant toute une nuit. Elle s’y arrachait, faisant craquer les liens du sac, et retombait épuisée, pour des heures… Quand elle réussit enfin à s’en évader, elle alluma, et vit que minuit n’était pas sonné : elle avait sommeillé moins d’une heure. Une angoisse intolérable lui tenait la gorge. Elle prit un livre et tâcha de lire. Son regard s’en allait vers le journal sur le lit. Elle le reprit, retrouva, sans avoir conscience de la chercher, la ligne sur « le Français à Florence », lut plus loin : — « Ribière… », eut une pinçure au cœur… (Elle se rendit compte alors qu’elle avait dû lire déjà ce nom, la première fois)… resta, le journal en main, épelant chaque lettre… Il y avait bien « Ribière… tué, au bord de l’Arno, dans une dispute avec des chemises noires. »… Elle haussa les épaules, rejeta le journal, réteignit, tâcha de faire