se bouchait les oreilles avec ses mains. Annette refusa de s’éloigner : elle regardait murer son enfant. Elle lui disait, à bouche close :
— « N’aie point peur ! Mon petit, je suis là… »
Après, ils restèrent seuls, tous les trois. Volets fermés, toute la journée. Ils ne bougèrent plus. Le fils, la mère et l’épouse. Ils étaient tous les trois étendus. Annette avait pris près d’elle, sur son lit, Assia, qui ne pouvait rester seule ; elle lui tenait la main, côte à côte, allongées toutes deux sur le dos. Assia, abrutie de douleur, s’engourdissait aux bruits de la rue, ou s’agitait au ronflement sinistre d’une grosse mouche dans la chambre ; la main d’Annette la serrait plus fort. Les yeux ouverts, qui regardaient sans le voir le plafond, Annette remontait avec Marc toute sa vie.
Le train partait, le soir, après onze heures. Les deux femmes retrouvèrent sur le quai le consul de France, qui les avait prises sous son égide et ne les quitta point qu’il ne les eût vues embarquées. Elles avaient un compartiment réservé. En se penchant par la portière pour dire adieu, Annette aperçut encore une fois, au delà d’un barrage, le jeune garçon au bras cassé, que l’intervention de Marc avait sauvé. Il avait réussi à s’introduire sur le quai ; mais on le maintenait loin du wagon. Annette lui fit signe de la main, et elle exprima au consul sa volonté de lui parler. À contre-cœur, le commissaire laissa passer l’adolescent, qui se précipita sur le marchepied, baisant la main d’Annette en pleurant. Il disait avec volubilité des mots que Annette ne pouvait comprendre ; mais ils n’avaient pas besoin des mots. Annette, dégageant sa main, la posa sur la tête du jeune garçon, et elle dit, à haute voix, de façon que chacun des témoins pût l’entendre, qu’elle le recommandait aux soins des autorités ; et elle pria le consul de l’informer, par la suite, de ce qu’il devien-