son emportement ; jetée sur son lit, elle le mordait.
— Le consulat français fit, à son tour, tardivement, acte de présence. Il enregistra les dépositions, se consulta avec Annette pour la mise en bière, la levée du corps et le départ. Elle eût voulu ne pas rester un jour de plus. Mais les formalités l’enchaînèrent jusqu’au lendemain soir.
Elle dut donc passer la nuit dans la ville tueuse, la ville de pierre, qui tant de siècles a lapé le sang des égorgés. (Et c’est de ce sang que la fleur de l’art a germé… En cet instant, Annette eût foulé aux pieds la fleur !…) Assia avait voulu veiller avec elle ; agenouillée aux pieds du mort, qu’elle baisait, elle murmurait une incohérente mélopée, qui tantôt s’enflait, tantôt se brisait ; elle finit par sombrer dans la nuit de la pensée, sans connaissance, la joue posée contre un pied nu de Marc. Annette, assise, le buste penché, de ses yeux secs fixait le gouffre. La nuit, partout : en haut, en bas ; la nuit, dehors ; la nuit, dedans. Des ailes noires la tenaient planant au centre. Elle-même était la Nuit.
Le jour revint. Une nouvelle ère… Post mortem... Un soleil étranger, que ses yeux n’avaient pas connu. Annette appartenait maintenant à un autre siècle…
Mais il n’était pas temps de fermer les yeux et de s’étendre, comme lui, près de lui, les mains jointes au creux de la poitrine. Il y avait des devoirs à remplir. Elle fit sa toilette, se rhabilla ; elle veilla à ce que Assia prît, malgré elle, la nourriture. Elle l’y força. Assia refusait, mangeait, pleurait, mangeait ses larmes et son repas. Et à la fin, elle eut un haut-le-cœur, elle rendit le repas. De très bonne heure, le double cercueil avait été apporté ; et l’on scella la prison de plomb. Assia s’enfuit dans le couloir, comme une égarée ; elle