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lis, pour qui son fils était mort. Ils la regardaient, avec des 3’eux de chiens battus, sanglants, fangeux, qui demandent pardon. Elle les salua gravement de la tête. Son calme tragique avait l’air de dire :

— « C’est bien. »

Le taxi partit.

À l’intérieur de l’hôtel, sur le parcours, sur l’escalier, pas un visage : la police avait nettoyé la place. Dans la chambre sous les toits, où elle avait vu avec son fils lever le jour, et que brûlait maintenant un soleil assassin, Annette lava le corps, elle le banda, elle l’habilla ; elle n’admit sur la chair sacrée le contact d’aucune autre main. Seule, Assia… Mais Assia n’était d’aucun secours. Elle, pourtant habituée à la mort, elle succombait sous l’événement. Elle ne pouvait voir le corps du bien-aimé, sans s’écrouler dessus avec des sanglots ou des baisers furieux. Annette l’enferma dans la chambre à côté, pour achever la funèbre toilette. Et quand après elle rouvrit la porte, elle la trouva sur le seuil, prostrée. Elle la coucha tout habillée sur le lit. Assia, insensible, se laissait faire. Elle avait des accès alternants de torpeur et de fureur.

Autour des chambres, le silence. Tout avait été organisé pour l’interposer hermétiquement entre les deux femmes et le dehors. Aucune visite. On veillait sévèrement à ce que nul ne pût s’entretenir avec elles. Les deux rescapés de l’attentat, père et fils, tentèrent vainement de leur porter leur reconnaissance. Elles n’en surent rien. L’événement fut étouffé dans la presse. Le médecin légal vint pour la forme. Vers la fin de la journée, les autorités italiennes parurent aussi ; elles présentèrent leurs condoléances. Annette les reçut, la tête haute, calme et sévère ; elle eut la force de ne rien trahir de ses sentiments. Assia avait dû se cacher dans l’autre chambre, pour ne pas montrer