ciel vide, elle clama. Telle une « vocifératrice » Corse. La foule, muette, haletait d’émotion, à son tour. Mais pour la plupart, l’émotion était de théâtre. Assia, saisie, avait suspendu ses sanglots, pour écouter le lamento. Ea mère appelait le fils :
— « Reviens, reviens ! Ne t’en va pas, mon petit !… » Elle l’implorait, elle l’exigeait des autres Mères, des sources insondables de la Vie ; elle eût été l’y chercher, comme Orphée. Elle le baisa, elle mit sa bouche sur le trou de sang, sur la fontaine de la poitrine. Et la déchirante mélopée se déroulait de la bouche sanglante. Mais pas un pleur ne sortait des yeux…
La police alors entra en scène. En quelques minutes, la foule fut balayée au delà du pont ; aux quatre coins, la circulation fut arrêtée ; et à toute vitesse, de la via Por S. Maria, un taxi déboucha, vint se ranger près des deux femmes et du corps. En sortit l’homme qui avait semblé le metteur en scène. La tête nue, l’air compassé et solennel, avec des condoléances officielles, il s’avança près d’Annette ; et, à son geste, deux autres hommes se baissèrent pour prendre le corps… Alors, le lamento s’éteignit net. Annette, fixant 1’ « ennemi », l’écarta. Elle entendait rouler dans le lointain sa propre voix ; et elle reconnut les abois sauvages de Sylvie, hurlante sur le pavé de Paris, où gisait sa fille tuée[1]… Un calme terrible rentra en elle. Plus un mot. Elle se leva. Son regard appela Assia. Avec son aide, elle souleva le fils, l’amant, l’aimé. Elle avait pris les épaules, Assia les jambes. Sans un regard pour les hommes qui lui offraient leur secours, les repoussant, elle porta le corps dans le taxi. Elle l’étendit. Assia monta. Près de monter à son tour, elle découvrit, derrière le mur des policiers, à quelque distance, le vieux et l’enfant assail-
- ↑ L’Été.