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de Dieu, Savonarole… Et là, aux crocs d’étal dans la façade du noir palais, où furent fichés les têtes et le quartiers des conjurés… Et sur les murs, dans les églises, ces Duci, les condottieri, les grands bouchers… Et ces femmes riaient, comme rient, dans les fresques et les peintures des musées, les filles blondes, maigres, aux pieds longs, ondulantes comme des joncs, la tête trop lourde pour la tige… Et Marc rit. Il rit aussi… La vie est belle. On lui pardonne d’être cruelle, quand le ciel pose sur son front, comme sur le faîte des durs palais, sa couronne de violettes. Et sous ce front, quand fleurissent ces yeux brûlants comme des bouches. Et dans ces bouches, la musique du mélodieux parler toscan… Et pour achever la griserie du ciel, de l’art, et des beaux corps, un bon repas arrosé d’un frais et chaud fiascho de Chianti… Marc n’était point un abstinent. Ni ses compagnes, filles de Noé. Ils rendaient grâces à tout ce qui est bon…

Mais si, le soir, quand ils rentraient, las et heureux de leurs trottes, leur tête dansait, c’étaient leurs yeux qui avaient bu, bien plus que leur gosier, le rayonnement de la journée. Et dans leurs chambres communiquantes, dont ils laissaient la porte ouverte, ils continuaient de babiller, d’un lit à l’autre, la mère poule et ses canards, jusqu’à ce que le sommeil les terrassât. Mais il arrivait qu’au milieu de la nuit, Annette se levât — (elle était vite rassasiée de sommeil) ; — et elle allait, sans bruit, pieds nus, boire à sa fenêtre le merveilleux ciel étoile. Elle restait là, des heures, dans une extase engourdie, jusqu’à ce que l’aube et le froid la ramenassent frileuse dans son lit.

Une fois, son Marc la rejoignit. C’était la veille du départ. Ils devaient, le lendemain soir, s’acheminer vers Rome. Cinq jours de la Ville éternelle. Puis, le retour… Marc s’approcha, sans être vu. Il posa sa main