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qu’on l’est devenu par procuration remise en blanc au dictateur ou à l’État. Et l’on baise les bottes du César vrai ou de carton, qui entretient la fiction du faisceau, où chacune des faiblesses liées ensemble croit totaliser la force… « L’État, c’est moi… » Les pauvres gens ! Et cependant, l’État « corporatif » engloutissait les corporations, les associations, les citoyens en gros et au détail. Le faisceau était au poing. Suum cuique… Aux uns, avoir. Aux autres, qu’on les aie !… « On les a eus !… »

Ils en étaient fiers. Fiers de ce poing. — Et, malgré tout, et de partout, l’espérance jaillissait (n’importe laquelle ! construire, détruire…) de cette race belle et féconde, que son inépuisable vitalité soulève au-dessus des désespoirs de la pensée, de ses champs de fièvre et de néant. Ces jeunes hommes, au corps castré de l’âme libre, semblaient ne s’en porter que mieux ; ils débordaient de joie animale ; et leur orgueil, surexcité, flambait. Le vent du Duce en scirocco, soufflait les flammes et les fumées. Sous le panache du volcan, en attendant la coulée de lave, elle vendange, la giovinezza ! Mais elle sera peut-être la vendange. Qui la boira ?…

La joie de Marc était gâtée. Son regard ne pouvait pas s’arrêter à ce décor de jeune Empire suggestionné, à l’allégresse enrégimentée de cette jeunesse, qui ne sentait plus le prix de la liberté, à cette façade de constructions sans arrière-corps de bâtiment, ces œuvres de parade que l’on étale aux étrangers. Il soupçonnait dessous le vide d’âme. Il sentait siennes les fièvres et la misère de ce monde. Cette chère Italie, il l’étreignait avec l’ardeur d’un jeune amant, il souffrait de la voir asservie et humiliée, — et pire encore, si elle en était tombée à ce point de ne plus sentir son humiliation !