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parvenir aux camarades (ici, plusieurs noms des plus marquants antifascistes émigrés) des renseignements précis et variés sur la défense anti-aérienne, les aéroports, le service de garde, les casernes de la milice, etc., etc. Buonamico n’avait pas signé.

Marc se taisait, abasourdi. Assia triomphait sans vergogne.

— « Qui avait raison ? Petit crétin ! Es-tu fixé maintenant sur ton bon ami ? »

Marc haussa l’épaule :

— « Il y a beau temps que je le suis ! Je m’en doutais. »

— « Mulet du pape, tu l’as fait exprès ? »

— « J’avais des doutes, et point de preuves. Et je pensais qu’on pouvait être un traître et avoir une mère, pour qui l’on reste l’enfant pitoyable et sans ruse. Je le méprisais, et je le plaignais… Mais je ne comprends pas. »

— « Qu’y a-t-il de plus à comprendre ? »

— « Pourquoi justement m’a-t-il choisi pour me livrer, moi qui l’ai défendu contre les autres — (et il le sait !) — moi sans qui il eût été exécuté, à Paris ? »

— « Il était enragé de ses insuccès. Il lui fallait à tout prix un exploit. Et toi, lui cachais-tu tes soupçons ? »

— « Non, » dit Marc, « je dédaignais. »

— « Oui, tu ne lui faisais même pas l’honneur de le craindre. Et tu t’étonnes qu’il se soit vengé ! »

— « Tu es, ma fille », dit Annette », bien fine pour lire les erreurs des autres. Pourquoi donc en fais-tu autant ? Est-ce que tu n’aurais pas été plus sage, en nous évitant le traquenard, qu’en y faisant tomber les traqueurs et en t’égayant à leurs dépens ? »

— « J’ai péché », dit Assia. « Je pèche et je pécherai.